Les images de la « révolution des parapluies » (Umbrella Movement) ont fait le tour du monde – mais, ensuite, Hong Kong a disparu de la scène internationale. La situation s’est-elle améliorée depuis lors? Non, au contraire. Les militants de Meta Hong Kong ne sont pas prêts à l’accepter et poursuivent la mobilisation en faveur de plus de démocratie et d’avancées sociales sur son territoire.
De Anja Meunier / 14.4.2018
« Hong Kong n’est pas Xianggang ! Soutenez-nous ! Hong Kong n’est pas Xianggang ! » Le message est répété en boucle par le mégaphone lors de la foire en l’honneur du Nouvel An chinois au Park Victoria. Francis Cheong and Dennis Shun se tiennent au milieu du groupe d’étudiants Meta Hong Kong et essaient d’engager le dialogue avec les visiteurs pour leur faire prendre conscience de problèmes politiques. Ils vendent des sacs et des tee-shirts recouverts de dessins et de slogans critiquant les maux d’ordre social et l’intervention grandissante de la Chine dans cette région autonome.
Francis explique le sens de l’expression « Hong Kong n’est pas Xianggang ». « Le nom d’origine de la ville est Hong Kong, mais si vous regardez sur une carte produite en Chine, vous verrez parfois le nom de Xianggang résultant d’une transcription et d’une prononciation différente. Mais si vous prononcez Hong Kong : Xianggang, alors il s’agit d’un simple mot mandarin qui perd la signification véhiculée par le nom traditionnel du territoire. » Le nom de Hong Kong représente aussi un symbole d’indépendance politique et culturelle. « La Chine y exerce une forte influence, alors nous espérons que ces objets pourront éveiller les consciences. »

« Hong Kong n’est pas Xianggang! », hurle Francis dans son mégaphone. © Anja Meunier
Au cours des années précédant la rétrocession de cette ancienne colonie britannique à la Chine en 1997, de nombreux résidents s’étaient d’abord inquiétés de la protection de leurs droits. Des restrictions à la liberté d’expression, de la presse et de réunion publique ont été grandement redoutées. Ce ne fut pas le cas au début. Après la rétrocession à la Chine, Hong Kong s’est vu accorder le statut de région administrative spéciale et son indépendance politique de Hong Kong a été garantie par le principe « un pays, deux systèmes » .
Cependant après une longue période de véritable autonomie, le gouvernement chinois a entamé un mouvement progressif de réalignement et de prise en main. Sur le territoire, la sois-disante Loi fondamentale, la constitution de Hong Kong, est en vigueur. Cependant, dans les cas incertains d’application, l’Assemblée nationale populaire de Chine peut décider de l’interprétation des lois. Cela peut se produire à l’initiative du gouvernement de Hong Kong, de sa haute cour ou de l’Assemblée nationale populaire elle-même. « Par le passé, ce système était rarement utilisé parce qu’il existe aussi la Cour du dernier appel. Mais récemment, le gouvernement chinois a usé rétroactivement de ce système afin d’interpréter la Loi fondamentale, » nous explique Francis.« Depuis, notre jeune génération est remplie d’appréhension pour son avenir. Disposons-nous encore d’une autonomie ? »
Quand le programme national de la Chine a été sur le point d’être introduit à Hong Kong en 2012, cela à conduit à des manifestations de populations d’étudiants et d’écoliers, conduites par Joshua Wong, alors âgé d’à peine 14 ans. L’occupation du «Civic Square » (esplanade devant les bâtiments gouvernementaux) a finalement entraîné la capitulation partielle du gouvernement. Ils s’agissait de défendre le droit des écoles de choisir le contenu de leurs programmes.
Les dernières grandes manifestations de Hong Kong datent de 2014, suite à la décision de l’Assemblée nationale populaire de Chine d’autoriser seulement une sélection de candidats à se présenter à l’élection du poste de chef de l’exécutif de Hong Kong, qui serait auditionné par une commission chinoise. Au début, environ 5 000 étudiants ont manifesté devant les bureaux centraux du gouvernement, et 100 d’entre eux ont investi l’esplanade du «Civic Square» à nouveau le 26 septembre, mené par Joshua Wong, âgé de 16 ans. Cependant, après une intervention musclée de la police, faisant usage de gaz lacrymogènes sur de jeunes étudiants manifestants, ils furent rejoint par des milliers d’autres en signe de solidarité avec les manifestants. Il y en eut jusqu’à 100 000 d’entre eux. Les étudiants ont occupé le centre ville pendant des semaines. Les images ont fait le tour du monde et l’événement s’est fait connaître sous le nom de la « révolution des parapluies » – avec le parapluie comme symbole de la résistance pacifique aux gaz lacrymogènes. Le 15 décembre, le siège a finalement pris fin sans aucun résultat précis quand la police a évacué le site.
Les manifestations se sont-elles soldées par un succès ? « D’une certain façon, elles ont été très positives. l’événement a été retransmis par de nombreux médias dans le monde, conduisant à une prise de conscience internationale et une augmentation de la pression sur le gouvernement chinois afin qu’il donne plus de liberté à la population de Hong Kong. De ce point de vue, je pense que l’action de Joshua Wong fut un succès », déclare Dennis. Les manifestations ont provoqué une prise de conscience du problème à l’échelle nationale également. En décembre 2017, dans une enquête menée par l’université de Hong Kong, sur 134 personnes âgées de 18 à 29 ans 69.7% ont répondu qu’ils se considéraient comme hongkongais, et non chinois. En 2014, avant les manifestations étudiantes, le pourcentage était seulement 53.1%. Cependant, à part insuffler une prise de conscience croissante du problème, le mouvement n’est arrivé à rien, remarque Francis. « Si l’on veut dire qu’un résultat positif a été atteint, à savoir, si la Chine a réduit son influence, alors non, on peut parler d’un échec. L’influence du gouvernement chinois a augmenté.»
Les préoccupations des étudiants ne se limitent pas aux protestations et aux conflits. « Quand nous avons créé notre groupe, Meta Hong Kong nous avions une idée. Les problèmes politiques de Hong Kong ne peuvent pas être résolus par des moyens politiques, rappelle Francis. Quand le gouvernement chinois visite Hong Kong, les premières personnes qu’il rencontre ne sont pas les dirigeants de Hong Kong. Ce sont les magnats, les gens riches. Ici, ceux-ci ont un pouvoir plus grand que celui du gouvernement. Ainsi notre rêve serait de devenir un grosse entreprise, que notre pouvoir économique puisse devenir un pouvoir de négociation. Mais nous n’en sommes pas encore là…»

Francis, Dennis et leur collègue Prudence devant le stand Meta Hong Kong. © Anja Meunier
Pour le moment, le mode d’intervention est principalement la conversation et la persuasion. « Pendant cette foire de Nouvel An, nous essayons de toucher plusieurs générations. De nombreuses personnes viendront ici, des plus âgées, ainsi que des gens comme nous, nous explique Dennis. Nous essayons de bavarder avec tous, d’expliquer ce que nous pensons et de tenter de leur faire comprendre l’importance de conserver notre propre culture et de ne pas subir l’influence du gouvernement chinois ».
Mais au milieu des stands de coques de téléphones portables, de produits d’entretien, de fleurs ou des friandises, quelques visiteurs seulement s’intéressent au message politique des jeunes militants.Francis critique le manque d’intérêt des jeunes citoyens de Hong Kong. “Ils lisent rarement les journaux, ne pensent qu’à étudier et à trouver un bon boulot, un point c’est tout. C’est toute leur vie. Je pense que c’est très triste, dit-il. D’autre part, les personnes âgées approuvent fortement le gouvernement. S’il décide que ‘Hong Kong fait à nouveau partie de la Chine’, ils diront ‘okay’. le gouvernement est l’égal de Dieu, et Dieu ne peut pas se tromper.”
Le travail des militants prend beaucoup de temps et, souvent, n’apporte guère de satisfaction. En outre, exprimer des idées politiques anti-chinoises est dangereux, même dans le territoire autonome de Hong Kong. « Le gouvernement chinois est très puissant. Alors, c’est très dur. Le propriétaire d’une librairie de Hong Kong qui vendait des livres sur l’indépendance et d’autres critiquant la Chine a disparu. On l’a fait disparaître. Il ne s’agit pas d’un verbe à la voie passive, mais c’est ainsi qu’on le dit, déclare Francis. En outre, les attaques de « pirates informatiques » sur des médias sensibles ne sont pas rares à Hong Kong. Cependant, jusqu’à ce jour, les étudiants à Meta Hong Kong n’ont pas fait l’objet de représailles. « Parce que nous sommes célèbres maintenant. Si nous le devenons davantage, peut-être que le gouvernement chinois fera quelque chose. »
Et après, que faire ? « Nous devons y réfléchir, déclare Francis, nous avons besoin de trouver une nouvelle direction. » Mais une chose est sûre, laisser tomber n’est pas une option.
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